16/07/2020 - Automotive

TEXTE JORGE s.b. Guerreiro

Alfa Romeo, 110 ans de passion

Le Griffon en fête

« Vous n’êtes pas un vrai passionné de voitures tant que vous n’avez pas possédé une Alfa, » déclare Jeremy Clarkson. Difficile de lui donner tort tant la firme milanaise a marqué l’histoire de l’automobile. Retour sur la naissance de cette marque de légende.

TEXTE JORGE s.b. Guerreiro

Alfa Romeo, 110 ans de passion

Le Griffon en fête

« Vous n’êtes pas un vrai passionné de voitures tant que vous n’avez pas possédé une Alfa, » déclare Jeremy Clarkson. Difficile de lui donner tort tant la firme milanaise a marqué l’histoire de l’automobile. Retour sur la naissance de cette marque de légende.

Longines World’s Best Racehorse

Réclame datant de la période entre 1910 et 1918, avant que le nom de Romeo ne soit accolé à l’acronyme A.L.F.A.

Pour aussi étonnant que cela puisse paraître, Alfa Romeo est née grâce à un Français. Afin de contourner les taxes d’importation très élevées pratiquées alors par l’état italien, Alexandre Darracq, créateur des automobiles éponymes, fit construire en 1906 à Portello près de Milan une usine ultra-moderne afin d’y assembler ses voitures destinées au marché transalpin. Cette optimisation fiscale avant l’heure tourna au fiasco, à tel point que l’entreprise fit faillite trois ans plus tard. Le Cavaliere Ugo Stella, ancien administrateur de Darracq en Italie, y vit une opportunité de récupérer à bon prix ce bel outil de travail tout en sauvant ses 200 employés. Le 24 juin 1910 fut ainsi constituée la société Anonima Lombarda Fabbrica Automobili, A.L.F.A., dont Stella fût nommé directeur. Sur une idée du jeune dessinateur Romano Cattaneo, il choisit comme emblème les deux symboles de Milan: la croix rouge de l'étendard de la commune et le biscione, l’animal légendaire mi-serpent mi-dragon du blason des Visconti, une puissante famille ayant régné sur la cité lombarde de 1277 à 1447. Il dévoila dans la foulée deux premiers modèles, la 24 HP, suivie de la 12 HP, toutes deux conçues par l’ingénieur Giuseppe Merosi. En réalité, les voitures purent être présentées aussi rapidement parce que Merosi avait commencé à travailler sur le projet avant même que la société ne soit officiellement fondée. Alors que la 24HP brillera - déjà - en compétition dès 1911, la 12HP rencontrera un petit succès commercial.

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Le tout premier modèle d’A.L.F.A en 1910, la 24 HP conçue par l’ingénieur Giuseppe Merosi.

Vous n’êtes pas un vrai passionné d'automobiles tant que vous n’avez pas possédé une Alfa

ET A.L.F.A. DEVINT ALFA ROMEO

Malgré l'accueil positif de la clientèle, les résultats financiers ne suivent pas. La situation s'aggrave encore avec l’éclatement de la Première Guerre mondiale, si bien qu’en 1915 l’un des investisseurs, la Banca Di Sconto, reprend la marque et choisit d’en confier la gestion à l'ingénieur Nicola Romeo. Celui-ci use de son réseau pour obtenir de grosses commandes dans le domaine militaire. L'activité de l'usine du Portello se consacre dès lors exclusivement à la production de matériel de guerre, des obus d'artillerie aux moteurs d'avion en passant par les lance-flammes, entre autres joyeusetés. Les effectifs passent de 300 à 2’500 employés, les profits conséquents ainsi générés permettant d'épurer les dettes avant la fin du conflit. En 1918, Nicola Romeo choisit d’accoler son nom à celui d’A.L.F.A., la société adopte officiellement l'appellation Alfa Romeo. C’est en 1920 que sort le premier modèle badgé Alfa Romeo : la 20-30 HP Torpedo. Romeo a confié à Meroni le soin de le développer sur la base d’un stock de voitures en attente d'assemblage depuis 1914. Le sieur Nicola s’est montré très ambitieux pour sa marque, qu’il souhaitait positionner dans le haut de gamme sportif, en fixant le prix cette Torpedo à 35’000 lires, un tarif prohibitif pour l’époque.

La G1, une voiture entièrement nouvelle, voit le jour en 1921, toujours sous l’égide de Giuseppe Merosi. Ratée, elle laisse rapidement la place à la version G2. La troisième sera la bonne : connue sous l’appellation RL, elle est dotée d’un moteur six cylindres en ligne et est déclinée en plusieurs versions. Ce modèle racé et sportif connait une belle carrière commerciale avec plus de 2000 exemplaires vendus. La 6C 1500 lui a succède en 1925, passant à 1750 en 1929, une cylindrée qui restera mythique pour tout alfista qui se respecte… Avec la 2300 de 1935, Alfa devient le premier constructeur européen à adopter un système de suspensions indépendantes.

VICTOIRES ET DÉBOIRES

En 1924, Alfa Romeo lance la P2 équipée d’un nouveau huit cylindres fait maison équipé d’une suralimentation, solution mise en œuvre par Vittorio Jano. C’est Enzo Ferrari lui-même qui était parvenu à convaincre Jano, directeur technique de Fiat, de rejoindre Alfa Romeo. Un an plus tard il finira par acculer Merosi, l’ingénieur des débuts, à la démission. C’est sous son impulsion que naît la légendaire 8C, dont le nom provenait de son moteur atypique : un huit cylindres en ligne suralimenté, en réalité constitué de deux 4 cylindres accolés bout à bout. Forcément, tout cela lui donne un très long capot moteur. Une allure folle doublée d’une efficacité redoutable en course! Nommé directeur sportif d’Alfa Romeo, Enzo Ferrari mène les Alfa frappées du célèbre Quadrifoglio au triomphe sur tous les terrains, en Grand Prix, comme au Mans en passant par les Mille Miglia ou la Targa Florio.

La légende a beau s’écrire en lettres d'or, la course coûte fort cher et les modèles de route hors de prix au catalogue ne s'adressent qu'à une petite clientèle fortunée. D’ailleurs, celle-ci n’hésite pas à faire carrosser les belles italiennes jusqu’en Suisse, à l’exemple de l’Alfa Romeo 6C 2300 BMM de 1939 signée Hermann Graber qui a remporté cette année la catégorie Best of Show au Concours d’élégance de Coppet. A l’époque, la marque exportait elle-même ses voitures en Suisse puisqu’elle avait dès 1937 créé une filiale Alfa Romeo Svizzera à Lugano, qui déménagera quelques années plus tard à Agno. Mais c’est le pilote automobile zürichois Kessler qui le premier importa Alfa dans notre pays, et ce dès le milieu des années 20.

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L’ingénieur Nicola Romeo, dont le nom fût accolé à celui d’A.L.F.A en 1918 et qui forgea l’image sportive de la marque entre deux guerres.

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UNE SUBLIME ALFA ROMEO 6C 2300B PASSO CORTO SPIDER RÉALISÉE PAR LE CARROSSIER PIÉMONTAIS TOURING EN 1939.

LA SECONDE GUERRE MONDIALE

Avant même le début de la Seconde Guerre Mondiale, Alfa est à nouveau au bord de la faillite. Tant et si bien qu’en 1933 c’est l'Etat italien lui-même qui décide de sauver la marque par le biais de l'Institut de la Reconstruction Industrielle, qui en acquiert la propriété. Les bruits de bottes commencent à se faire entendre un peu partout en Europe, et afin d’assouvir les ambitions guerrières de Mussolini la production automobile est reléguée au second plan au profit de la fabrication de camions et des moteurs d’avion. Détruite par trois bombardements durant la guerre, l’usine de Portello sera reconstruite dès la fin des hostilités mais sa priorité ira d’abord à la fabrication de camions, d’autobus et de cuisinières électriques. Il faut bien reconstruire le pays.

L'ÂGE D'OR

Il faudra le lancement de la berline 1900 en 1950, une voiture enfin produite en série et non plus à l’unité, pour que les chiffres de vente repartent à la hausse. A l'origine de cette véritable révolution, il y a un homme : Orazio Satta Puliga. Avec Merosi et Jano, il est le troisième ingénieur providentiel à avoir oeuvré pour la marque. Il est aussi le plus réaliste: en imposant moteurs quatre cylindres, coques autoportantes et travail à la chaîne, il réussit enfin à donner à Alfa le statut de grand constructeur. Quatre ans plus tard il présente la Giulietta au salon de Turin. Celle-ci permet à Alfa Romeo de devenir le second constructeur italien en dépassant les 100’000 exemplaires vendus. Tout semble sourire à Alfa, par ailleurs vainqueur en 1950 et 1951 des deux premières saisons du Championnat du Monde de Formule 1. Apparaît ensuite la Giulia. Cette remplaçante de la Giulietta sera déclinée en de nombreuses versions, dont le Spider Duetto, la Sprint GT ou la 1750 GT Veloce, pour n’en citer que quelques unes. La Police italienne contribue alors au succès commercial d’Alfa en choisissant ses voitures pour équiper ses agents. Toutes versions confondues, plus d’un demi-million de Giulia furent produites.

Simultanément au lancement de la Giulia, la toute nouvelle usine d’Arese sort de terre et est inaugurée en 1963. C’est la même année qu’est créée la société Auto Delta, vouée à devenir le bras armé d’Alfa en compétition. C’est elle qui développera la monstrueuse série des Tipo 33 au moteur V8 en position centrale arrière dont la version homologuée pour la route, la Stradale, reste à ce jour désignée par les connaisseurs comme la plus belle voiture de tous les temps. Rien que ça. De ce même V8 naîtra ultérieurement un autre modèle, la Montreal au design signé Bertone et présentée à l’exposition universelle au Canada. Malheureusement, elle ne rencontra jamais le succès qu’elle eût mérité.

ALFA RoMEO DO BRASIL

Dès 1960, l’entreprise étatique brésilienne FNM lance la production sous licence de l’Alfa Romeo 2000. En 1968, Alfa Romeo acquiert FNM, et présente dès 1974 un nouveau modèle spécifique au marché brésilien. Le site est progressivement racheté par Fiat entre 1975 et 1977, et la dernière Alfa Romeo parlant portugais est sortie de chaîne en 1986. Ce ne fût de loin pas là la seule expérience de la marque à l’étranger : directement ou sous licence, des Alfa ont été fabriquées en Belgique, Afrique du Sud, Malaisie, Malte, Argentine, Portugal, Espagne, Thaïlande, Uruguay et même au Zimbabwe.

Les années sombres

Dès 1960, l’entreprise étatique brésilienne FNM lance la production sous licence de l’Alfa Romeo 2000. En 1968, Alfa Romeo acquiert FNM, et présente dès 1974 un nouveau modèle spécifique au marché brésilien. Le site est progressivement racheté par Fiat entre 1975 et 1977, et la dernière Alfa Romeo parlant portugais est sortie de chaîne en 1986. Ce ne fût de loin pas là la seule expérience de la marque à l’étranger : directement ou sous licence, des Alfa ont été fabriquées en Belgique, Afrique du Sud, Malaisie, Malte, Argentine, Portugal, Espagne, Thaïlande, Uruguay et même au Zimbabwe.

L’arrivée des années 70 a marqué un revirement dans la philosophie d’Alfa Romeo. Une usine est construite à Naples, d’où sortira l’Alfasud, un modèle décrié par les alfisti: elle adopte une transmission aux roues avant. Le succès est malgré tout au rendez-vous puisqu’il s’en écoulera plus d’un million. Autre carton: l’Alfetta, une berline quatre portes également déclinée en coupé, le fameux GTV, plus tard équipé du V6 2,5 litres à la sonorité envoûtante. ll en a même été réalisé une version V8 limitée à 20 exemplaires seulement pour le marché allemand. Malgré cela, Alfa semble en perdition, lançant des modèles manquant de caractère à la qualité et fiabilité en chute libre. La marque ira même jusqu’à s’associer avec Nissan pour produire l’Arna. Le lancement de la 75 en 1985 n’y changera rien: l’entreprise est à nouveau à la limite de la banqueroute, et cette fois ce sont les américains qui louchent sur la belle italienne endormie.

L’histoire se répète, et tout comme il l’a fait pour Ferrari quelques années auparavant, c’est Gianni Agnelli, le dirigeant de Fiat, qui viendra sauver Alfa des griffes de Ford en 1986. Le géant de Turin amorce une sévère restructuration, marquée par une volonté d'uniformisation des gammes. Première née de la nouvelle ère, la 164. Elle partage sa plate-forme avec les Lancia Thema, Fiat Croma et Saab 9000. Malgré cela (et sa traction avant), elle reste une voiture appréciée, notamment grâce à son look signé Pininfarina et à ses déclinaisons sportives QV et Q4. Toujours au catalogue, la 75 servit en 1990 de base au coupé SZ et au spider RZ. Baptisée il Monstro à cause de son physique atypique conçu par Zagato, la paire fait aujourd’hui la joie des collectionneurs. La succession de la 75 est assurée par la 155, dont on se souvient avec émotion de la version Q4 équipée du moteur de la Lancia Delta HF et des féroces versions course aux couleurs Martini inscrites au championnat allemand DTM.

Alfa se cherche encore, comme en témoignent les 145 et 146, remplaçantes de la 33. Le « Cuore Sportivo » n’est pas encore de retour, mais au moins la fiabilité est retrouvée. S’ensuivent la 156 puis la 147, une petite compacte qu’Alfa décidera de survolter en version GTA : 3,2 litres de cylindrée et 250 chevaux, en traction avant! Rodéo assuré. GTV, Spider et GT complètement la gamme, mettant un peu de baume au coeur des alfisti.

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Version routière de la Tipo 33 de compétition, la 33 Stradale n’a été construite qu'à dix-huit exemplaires entre septembre 1967 et1969. Née sous le crayon de Franco Scaglione, elle est considérée par beaucoup comme l’une des plus belles autos jamais réalisées.

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Situé au sein de l'ancienne usine Alfa Romeo d'Arese, au nord de Milan, le « Museo storico Alfa Romeo » présente depuis 1976 les automobiles, moteurs d’avions et poids lourds de la marque.

LE RENOUVEAU

Le renouveau viendra d’abord par l’esthétique, grâce aux sublimement originales 159 et Brera (et sa version découvrable Spider). Pour redorer son blason, Alfa présente la 8C Competizione en faisant appel à la dynamique de groupe: son châssis provient de Maserati et elle est dotée du V8 Ferrari partagé par la F430 et la Maserati 4200. Construite à 500 exemplaires, elle inspira la… petite Mito. Cette citadine - disparue ces dernières semaines du catalogue - fera un vrai carton, puisqu’elle représentera jusqu’aux ¾ des ventes totales de la marque! Autre ovni, la 4C, un coupé deux places à moteur central arrière doté d’une coque en carbone ultra légère due au coup de crayon du génial Lorenzo Ramaciotti. Elle fait toujours le bonheur des clubs Alfa du monde entier.

ALFA IS BACK

Alfa Romeo appartient aujourd’hui au groupe FCA. Issu de la fusion du groupe Fiat et du constructeur américain Chrysler, celui-ci compte dans son porte-feuille des marques telles que Fiat, Jeep, Maserati, Chrysler, Dodge, Abarth et bien sûr Alfa Romeo. C’est son dirigeant aujourd’hui décédé Sergio Marchionne qui décidera de donner à la marque ses lettres de noblesse. Objectif: 400’000 ventes par année. En seulement 22 mois, une nouvelle plateforme devant servir de base aux modèles de la reconquête est conçue. Le premier d’entre eux, la Giulia, est présentée fin 2015 à Arese, lieu qui abrite désormais le musée de la marque. Cette berline quatre portes a servi de base à une version Quadrifoglio faisant honneur à son blason: elle est dotée d’un nouveau moteur V6 biturbo de 2,9 litres de cylindrée développé en étroite collaboration avec Ferrari, une puissance transmise aux seules roues arrière! Le châssis étant à la hauteur de la motorisation, la voiture est une fusée: elle abat un tour du circuit du Nürburgring, juge de paix en la matière, en un temps de 7’32”, un record en 2016 pour les berlines quatre portes de série. Et puisque nous en sommes à parler du Nürburgring, restons-y : basée sur la même plateforme que la Giulia, le Stelvio, le nouveau SUV à quatre-routes motrices d’Alfa Romeo, a lui réussi le même exercice en 7’51,7”, lui permettant de s’arroger le même record dans sa catégorie!

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Construite à 500 exemplaires, la 8C Competizione est ÉQUIPÉE du MOTEUR V8 Ferrari partagé par la F430 et la Maserati 4200.

110 ANS !

Pour fêter ses 110 ans, Alfa lance les GTA, sur la base de la Giulia Quadrifoglio. Les sorciers milanais ont procédé à une petite cure amaigrissante : 100 kilos envolés! Sous le capot s’agite toujours l’extraordinaire V6 cotant 2,9 litres biturbo,. Déjà pas vraiment atone dans la Quadrifoglio, il se voit gratifié de 30 pur-sangs supplémentaires, passant à 540 chevaux. Le rapport poids-puissance tombe de 3.17 kg/cheval dans la Quadrifoglio à 2,8 kg/cheval dans la GTA. Et comme si cela ne suffisait pas, arrive la version GTAm, qui ne sera produite qu’en édition limitée à 100 pièces. Pour faire simple, une voiture de course à peine tolérée sur route. Le 0 à 100 km/h est annoncé en 3,6 secondes. La berline supersonique!

L'émergence de cette nouvelle gamme de reconquête au style et au caractère bien affirmés est loin d’être terminée, puisque plusieurs nouveaux modèles sont annoncés. Alfa Romeo est de retour en piste!

www.alfaromeo.ch

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Les deux vedettes de la gamme Alfa Romeo actuelle, la Giulia et la Stelvio Quadrifoglio. Elles partagent la même plateforme et le même moteur de 510 chevaux.

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